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Zoom sur Peggy Leroy


Suite au post relatif aux sportifs de haut niveau et à la précarité de certains d’entre eux, nous vous proposons une courte interview de Peggy Leroy, l’une des journalistes ayant réalisé le reportage « JO : la gloire et la galère ».

Comment l’idée vous est-elle venue de faire un reportage sur ce sujet ?

Le départ est en fait une coïncidence personnelle. Je me suis cassé un ligament du genou, donc j’ai dû faire des séances de kiné. Le cabinet qui a fait toute ma rééducation est celui de l’équipe de France d’escrime. J’ai fait une rééducation pendant six mois et le kiné me disait que parfois il partait en compétition avec des escrimeurs.

Je lui ai posé une question : « Combien gagne un escrimeur ? » Il m’a répondu : « Ça ne gagne rien, ils ne vivent pas de leur sport ! ».

J’ai fait quelques recherches sur Internet, et j’ai vu qu’il y avait un rapport parlementaire qui était sorti, un mois avant d’avoir eu cette discussion avec le kiné, et qui indiquait que la moitié des sportifs de haut niveau susceptibles de remporter une médaille en 2014 vivaient avec moins de 500 euros par mois. Ce chiffre m’a vraiment interpellée, j’ai voulu faire un sujet dessus.

Les sportifs ne sont-ils pas réticents à répondre à cette question ?

Si, ils sont toujours d’accord pour parler de leurs performances, de leurs entraînements, mais parler de cet aspect-là des choses, ils n’aiment pas. Même entre eux ils en parlent assez peu. Pour eux, ils sont avant tout des champions, et pas des gens qui galèrent à la fin du mois. Ça ne répond pas à l’image que l’on se fait d’un sportif sur un podium.

Par rapport aux autres sports, je pense au foot, est-ce que les sportifs en situation de précarité vivent mal le décalage quant aux revenus ?

Effectivement quand on les interroge là-dessus, ils disent que tout est bouffé par le foot. Mais ils n’en veulent par forcément aux footballeurs, en revanche ils comprennent moins que le service public, une émission comme "Stade 2", consacre encore beaucoup de temps au foot alors qu’il y en a partout, TF1, M6, Canal, et en consacre si peu à d’autres sports comme l’escrime. Typiquement si l’on prend l’escrime, j’ai regardé "Stade 2", l’émission qui suivait les championnats d’Europe où la France a récolté 9 médailles : il n’y a pas eu une seconde là-dessus. En revanche, ils ont consacré une demi-heure au foot alors qu’ils n’ont pas les droits d’image. Les sportifs en veulent plus peut-être au service public, au Gouvernement qui ne communique pas sur ces sports un peu annexes, qu’aux footballeurs eux-mêmes. Après ils sont aussi conscients que quelque part c’est un choix qu’ils font, ils peuvent très bien arrêter leur carrière de sportif.

C’est ce qu’on voit dans le reportage, au début, une escrimeuse dit : « Si on m’enlève l’escrime je crève ! » La passion l’emporte ! Quels sportifs avez-vous rencontré ? Pas seulement des personnes pratiquant l’escrime ?

J’ai rencontré tous les sportifs que vous voyez dans le sujet. J’ai suivi une escrimeuse mais elle était en compétition donc j’ai discuté avec le reste de l’équipe. J’ai appelé d’anciens sportifs. Par exemple, j’ai beaucoup échangé avec Romain Mesnil, qui est ancien vice-champion du monde de saut à la perche. Il s’était un moment filmé nu en train de courir avec une perche dans les rues de Paris parce qu’il n’avait plus de sponsor.

J’ai aussi suivi d’autres sportifs qui vivaient la même chose que les personnes présentes dans le reportage mais je ne pouvais pas toutes les mettre.

Et il s’agissait uniquement de sportifs pratiquant des sports peu diffusés, dont on a moins connaissance, ou avez-vous aussi rencontré des sportifs dont les sports sont très pratiqués, connus ?

J’ai fait toutes sortes de sports. J’ai essayé de choisir des sports dans lesquels la France gagne pas mal de médailles. Il ne fallait pas non plus que l’on puisse reprocher au sujet de ne traiter que de sports dans lesquels la France a des résultats médiocres.

Par exemple l’escrime, il n’y a pas d’argent dans ce sport, alors que c’est le sport qui a rapporté le plus de médailles aux JO, et on est particulièrement bon. C’est pour cela que j’y consacre pas mal de temps. Le taekwondo c’est pareil, c’est un sport où à chaque JO on rapporte des médailles. En athlétisme la France remporte toujours des médailles aussi...

J’étais étonnée d’ailleurs de voir que Phara Anacharsis devait arrondir ses fins de mois avec un contrat chez Décathlon, car je pensais que la course était l’un des sports les mieux payés.

Non, en fait Phara par exemple est vice-championne d’Europe du relais 4x400 depuis le sujet, elle doit avoir une prime de 2000 euros. Elle revenait hier d’un meeting de la ligue de diamant, ce sont les meetings les plus célèbres où on invite les têtes d’affiche. Elle a couru sur le 400 mètres haies, elle est arrivée en finale, ce qui est extrêmement bien. Cela veut dire qu’elle est dans les sept/huit meilleures européennes. Et je crois qu’elle était la seule française. Elle a fait une superbe performance, mais elle va repartir avec zéro prime.

Dans notre magazine, nous avons une rubrique Homme/Femme où l’on fait la chasse aux stéréotypes de genre, aux clichés. Y a-t-il une différence entre les hommes et les femmes, ou est-ce vraiment la discipline pratiquée qui fait la différence de revenus entre les sportifs ?

Non, je pense qu’il n’y a pas de différence par rapport au sexe. Les différences se font plutôt selon la discipline et selon le potentiel que représente la personne pour les sponsors. Par exemple, Ladji Doucouré a été champion du monde. Dans ce cas-là, les sponsors sont au rendez-vous. Mais en plus, il a une histoire incroyable, c’est un gamin des banlieues, il est plutôt beau, plutôt drôle, il attire les sponsors. Je pense qu’une fille attirerait les sponsors pour les mêmes raisons finalement.

Propos recueillis par Emma Roussel

© Stefan Schurr/Fotolia

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