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Aide internationale et droits des femmes...



Rencontre avec... Sandra Lhote-Fernandes, responsable du plaidoyer santé et égalité femmes-hommes chez Oxfam France


En complément de la rubrique « Femmes-Hommes » du n° de novembre relative à l’aide publique au développement (APD) comme vecteur d'égalité entre femmes et hommes, découvrez l'interview de Sandra Lhote-Fernandes qui nous en dit plus justement sur la part de l'APD consacrée à la défense des droits des femmes.


1) En quoi consiste en quelques mots votre fonction au sein d’Oxfam France ?


Au sein d’Oxfam, je pousse le gouvernement à faire plus en matière de droits des femmes et de réduction des inégalités à l’échelle mondiale et en particulier dans les pays les plus pauvres. Nous incitons par exemple le ministère des Affaires étrangères à augmenter les financements allant en soutien aux associations de défense des droits des femmes en Afrique, en Amérique latine, en Asie ou au Moyen-Orient. Nous intervenons également auprès du Parlement parce que celui-ci vote le budget de l’État. Nous sensibilisons les parlementaires et soutenons l’adoption d’un budget le plus ambitieux possible pour les questions de défense des droits des femmes à l’échelle internationale. Et nous avons eu des succès récents très significatifs. Par exemple, la France a lancé en 2019 un fonds de 120 millions d’euros de soutien aux organisations féministes des pays du Sud, lesquelles sont en première ligne pour faire avancer les droits des femmes dans ces pays. Et cette action est le résultat du travail de plaidoyer d’Oxfam et ses partenaires.

2) Ce fonds est-il le même que le « Fonds féministe en Action » ?


Le fonds « Féministe en Action », c’est une partie du fonds de soutien aux organisations féministes. Ainsi, cette partie de ce fonds est gérée directement par une coalition d’organisations féministes françaises. Cela nous permet d’aller au plus près des organisations, de toucher des associations que le ministère des Affaires étrangères et l’Agence française de développement ne connaitraient pas. Nous pouvons donc mettre en lien des financements internationaux avec des organisations très locales de défense des droits des femmes.


3) Pourriez-vous nous donner des exemples d’actions menées par Oxfam, relevant de l’aide publique au développement et intégrant la problématique de l’égalité de genre ?


Par exemple, au Tchad, c’est grâce à l’APD que nous finançons des associations et des structures d’accueil des femmes victimes de violences. Nous soutenons aussi des campagnes de sensibilisation à l’échelle des communautés sur la question des violences, de l’égalité, afin de faire évoluer des normes culturelles empreintes de violence et défavorables aux femmes, par exemple dans le cadre de la lutte contre les mutilations génitales féminines. Lors de ces campagnes, les associations expliquent pourquoi ces pratiques sont défavorables aux femmes, peuvent être dangereuses pour leur santé…

Cela peut aussi consister à financer des maternités. La France contribue au financement d’hôpitaux et de centres de maternité dans des pays qui ont des systèmes de santé très fragiles, notamment au Tchad ou au Sahel où seules 20 % des femmes sont accompagnées de personnel qualifié pour leur accouchement, ce qui explique des taux de mortalité maternelle quatre fois supérieurs à la moyenne mondiale. Le rôle de l’APD va être de financer des infrastructures, des maternités, des politiques de gratuité des soins pour les femmes qui accouchent…

De même, sur l’éducation, l’APD va servir à soutenir des pays du Sahel dans leur politique d’éducation en mettant des efforts particuliers sur l’accès à l’enseignement primaire des filles. Et le taux de scolarisation des filles et jeunes filles en 20 ans a vraiment augmenté. C’est du fait des politiques menées par les États, mais soutenues par l’aide internationale. Cela va consister par exemple à aider à la construction d’écoles, notamment dans les zones rurales, les zones les plus reculées, veiller à ce qu’il y ait dans ces écoles un professeur payé, des infrastructures… mais aussi des campagnes de sensibilisation auprès des communautés pour pousser à la scolarisation des jeunes filles en leur faisant comprendre l’importance de l’éducation.


4) En matière d’égalité de genre, quels sont les principaux objectifs d’Oxfam ?


La grande priorité : c’est faire augmenter le financement des organisations de défense de droits des femmes parce que ce sont elles les plus légitimes dans les pays pour faire bouger les lignes et parce qu’elles ont un accès très faible au financement. Les organisations féministes dans les pays touchent moins de 0,5 % de l’ensemble des financements de l’aide internationale. Et souvent, il s’agit de petites structures portées à bout de bras par une poignée de bénévoles non rémunéré-e-s, mais qui portent des campagnes nationales, qui se mobilisent, qui font du plaidoyer elles-mêmes pour faire évoluer les mentalités, mais aussi les lois.

Nous portons également beaucoup de projets sur la lutte contre les violences. Je parlais récemment à une représentante d’Oxfam au Moyen-Orient où nous soutenons des associations notamment en Palestine et en Irak parce que là-bas les lois sont défavorables aux femmes. Par exemple en termes de succession (héritage), elles n’ont pas les mêmes droits successoraux que les hommes. Aussi les associations se battent-elles pour faire évoluer les droits dans ces pays. Et dans de nombreux pays, l’espace démocratique est très resserré et la question des droits des femmes est très sensible, comme en Iran en ce moment. Il y a une domination masculine qui veut maîtriser le corps et la vie des femmes. Ces associations sont donc très exposées, en première ligne, comme en Iran ou en Afghanistan, le combat est très difficile. C’est pour cette raison que plus que jamais, elles doivent être soutenues, financées, structurées et professionnalisées pour mener leur action et avoir plus d’impact.


Propos recueillis par C. B.


Enrick B. Editions 2022/Kezako mundi 52

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